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NOUVELLES

— Où est donc notre Koussaka ?

Ce nom lui resta. Pendant la journée on apercevait dans les buissons un corps sombre disparaissant au premier geste d’une main qui lui lançait du pain, comme on lance une pierre. Bientôt tout le monde s’habitua à Koussaka ; on le considérait comme le chien de la maison et on s’amusait de sa sauvagerie et de sa terreur insensée. Chaque jour, Koussaka diminuait d’un pas l’espace qui le séparait des habitants de la villa ; il examinait leur visage et se pliait à leurs coutumes : une demi-heure avant le dîner, on le voyait déjà dans les buissons, qui clignait de l’œil avec amitié. Et ce fut Lélia, la petite écolière, qui, oubliant leur première rencontre, l’introduisit complètement dans le cercle de ces gens heureux de se reposer et de se divertir.

— Koussaka, viens ici, appela-t-elle. Viens, mon petit chien, viens donc. Veux-tu du sucre ?… Je te donnerai du sucre, veux-tu ? Viens donc !

Mais Koussaka ne venait pas : il avait peur. Et de la façon tendre qu’on peut prendre quand on a une jolie voix et une jolie frimousse, lentement