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NOUVELLES

rouges des cerisiers ; puis elle se coucha dans l’herbe, le visage tourné vers le soleil ardent. Tout à coup, se relevant brusquement, elle se serra elle-même dans ses bras, baisa l’air printanier de ses lèvres fraîches et s’écria d’un air de conviction profonde :

— Ah ! que je m’amuse !

Puis elle se mit à tourner sur elle-même. Au même instant, le chien, qui s’était approché sans bruit, happa brutalement le bas de la jupe gonflée, en arracha un morceau et disparut comme il était venu, derrière les épais buissons de groseillers et de cassis.

— Ah ! le vilain chien ! s’écria la petite fille en s’enfuyant ; et longtemps encore on entendit sa voix agitée : « Maman ! Enfants ! N’allez pas au jardin… il y a un chien ! Un gros chien très méchant ! »

La nuit, le chien revint furtivement à la villa endormie et se coucha à sa place accoutumée, sous la terrasse. Des odeurs humaines flottaient et par les fenêtres ouvertes arrivaient de faibles bruits de respiration. Les nouveaux venus dormaient ; ils étaient désarmés, mais le chien les protégeait