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NOUVELLES

boue, la tête rejetée en arrière et le regard perdu au loin, tandis que la doublure de soie rouge se reflétait dans les flaques d’eau immobiles.

La foule qui se pressait dans les artères principales le fatiguait par sa curiosité importune ; et il préférait s’en aller par les ruelles étroites et sales avec leurs petites maisons basses à trois fenêtres, leurs palissades et leurs passerelles de planches glissantes, tenant lieu de trottoirs. Pendant ces journées — les dernières de sa vie — il avait constamment le même désir ; se rendre à la « rue des Fossés » et la traverser complètement, d’une extrémité à l’autre, aller et retour ; mais il ne se décida pas à le faire. C’était embarrassant et terrible : plus terrible que la mort. Et vaguement, il s’étonnait de ce qu’en septembre il passait dans cette rue sans peur, avec simplicité, et de ce qu’il souhaitait rencontrer quelqu’un à saluer.

Mais il y avait une rue à laquelle il revenait chaque jour et qu’il traversait sans hâte ; il ressemblait alors à un vieux général, bon enfant et un peu toqué, qui se promènerait tranquillement Cette rue conduisait au lycée des jeunes filles,