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LE GOUVERNEUR

comme celles d’un chien couchant, la poudre de riz tombait de son visage et ses grandes paupières jaunes et bombées s’abaissaient, comme les volets de fer d’un magasin, et se relevaient de nouveau. Et, en cet instant, il lui semblait impossible à elle comme aux autres, qu’un homme qui jouait aux cartes pût être tué.

Et pendant les quinze jours qui précédèrent sa mort, le gouverneur attendit. Il avait sans doute encore d’autres pensées en tête, sur les choses habituelles, coutumières et passées, les vieilles pensées de l’homme dont le cerveau et les muscles se sont depuis longtemps durcis ; sans doute il pensait aux ouvriers et à la journée triste et terrible ; mais toutes ces réflexions, ternes et superficielles, étaient fugaces et disparaissaient rapidement de sa conscience comme les rides d’une rivière caressée par une légère brise. De nouveau et toujours, régnait l’attente silencieuse, calme et noire comme une eau dormante. Il lui semblait que c’était la politesse et l’habitude qui l’avaient lié aux pensées, comme aux gens ; et quand la politesse et l’habitude s’étaient effondrées, les pensées avaient disparu. Il