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LE GOUVERNEUR

voyage, ni aux serres ; peut-être était-ce pour cela seulement qu’il avait consenti à partir. Du reste, il perdit aussitôt de vue ce projet, comme s’il n’était pas question de lui, et de jour en jour il remettait l’envoi de la demande de congé ; il se fixait une date pour l’écrire, l’oubliait et s’en souvenait deux jours après. De nouveau, il décidait d’accomplir cette formalité et cependant il négligeait opiniâtrément de s’en occuper. Tranquillisée, Marie Pétrovna ne le pressait pas trop de partir ; ses toilettes d’automne n’étaient pas prêtes, et les discussions avec les couturières demandaient un certain temps. Zizi, non plus, n’avait pas de robes.

Dans le silence qui entourait le gouverneur depuis le brusque arrêt des lettres, il y avait quelque chose d’inquiétant, comme une vague et sourde menace. On aurait dit la sensation qu’on éprouve dans une chambre vide, quand des gens parlent derrière la cloison et qu’on ne distingue pas leurs paroles. Et lorsqu’arriva une lettre — une dernière lettre attardée — il la prit comme s’il l’attendait ; il s’étonna seulement de ce qu’elle fût contenue dans une enveloppe étroite, de cou-