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NOUVELLES

de l’ancien régime, qui ont pour mot d’ordre « esclavage », « privilège », « rancune ». Le bien ne peut sortir du mal, et dans la lutte où les fusils jouent le premier rôle, les vainqueurs ne sont pas les meilleurs, mais les pires, c’est-à-dire les plus cruels, les moins compatissants, ceux qui foulent aux pieds la personnalité humaine et n’ont pas de scrupules. Mais si un brave homme tire, ou bien il manque le but, ou bien il fait une bêtise et est pris en flagrant délit ; car son âme est opposée à ce que font ses mains. C’est pour cette raison, je crois, qu’il y a si peu d’attentats politiques réussis dans l’histoire. J’admets la révolution, mais, selon moi, elle ne doit être qu’une propagande d’idées ; c’est un apostolat semblable à celui des martyrs chrétiens ; car lors même que les ouvriers paraissent avoir la victoire, les coquins feignent seulement d’être vaincus et inventent aussitôt une filouterie quelconque, pour duper leurs vainqueurs. C’est avec la tête qu’il faut vaincre et non pas avec les mains, car c’est la tête qui est faible chez les coquins ; c’est pour cette raison qu’ils enlèvent les livres à l’homme pauvre et le lais-