Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Moussia cherche des excuses, des prétextes de nature à exalter son sacrifice et à lui donner une valeur réelle.

« En effet, se dit-elle, je suis jeune, j’aurais pu vivre longtemps encore. Mais… »

De même que la lueur d’une bougie s’efface dans le rayonnement du soleil levant, la jeunesse et la vie lui paraissent ternes et sombres devant l’auréole magnifique et lumineuse qui va couronner sa modeste personne.

« Est-ce possible ? se demande Moussia, toute confuse. Est-il possible que je mérite qu’on me pleure ? »

Et une joie indicible l’envahit. Il n’y a plus de doute ; élue, elle est élue entre toutes ! Elle a le droit de figurer parmi les héros qui, de tous pays, s’en vont vers le ciel au travers des flammes, des exécutions. Quelle paix sereine, quel bonheur infini ! Immatérielle, elle croit planer dans une lumière divine.

À quoi Moussia pense-t-elle encore ? À bien des choses, car pour elle, le fil de la vie n’est pas coupé par la mort, mais conti-