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Ne parle pas aussitôt après l’avoir embrassé, comprends-tu ? Sinon, tu diras ce qu’il ne faut pas dire.

— Je comprends, Nicolas Serguiévitch ! répondit la mère en pleurant.

— Et ne pleure pas ! que Dieu t’en préserve ! Ne pleure pas ! Tu le tueras, si tu pleures, mère !

— Et pourquoi pleures-tu toi-même ?

— Comment ne pleurerait-on pas avec vous autres ? Il ne faut pas que tu pleures, entends-tu ?

— Bien, Nicolas Serguiévitch.

Ils montèrent en fiacre et partirent, silencieux, voûtés, vieillis. On était au carnaval et les rues étaient pleines d’une foule bruyante. Mais les deux vieillards, plongés dans leurs pensées, n’entendirent pas la ville s’agiter gaîment autour d’eux.

On s’assit. Le colonel prit une attitude convenue, la main droite dans la fente de sa redingote. Serge resta assis un instant ; son regard rencontra le visage ridé de sa mère ; il se leva tout à coup.