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souriant d’un sourire étrange. À son tour, elle serra la main du jeune homme et répéta à haute voix :

— Bonjour, mon petit Serge !

Mais elle ne se jeta pas sur son fils, elle ne se mit pas à pleurer ou à crier, comme Serge s’y attendait ; elle l’embrassa et s’assit sans parler. Puis, d’une main tremblante, elle arrangea les plis de sa robe noire.

Serge ignorait que le colonel avait passé toute la nuit précédente à combiner cette entrevue. « Nous devons alléger les derniers moments de notre fils et non les lui rendre plus pénibles », avait décidé le colonel, et il avait soigneusement pesé chaque phrase, chaque geste de la visite du lendemain. De temps en temps, il s’embrouillait, il oubliait ce qu’il était parvenu a préparer et il pleurait amèrement, affaissé dans le coin de son canapé. Le lendemain matin, il avait expliqué à sa femme ce qu’elle devait faire.

— Surtout, embrasse-le et tais-toi, lui répétait-il. Tu pourras parler après, un peu après, mais quand tu l’embrasseras, tais-toi.