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mena de long en large dans son cachot, en tourmentant sa barbiche, les traits pitoyablement contractés. Parfois, il s’arrêtait brusquement pour respirer comme un nageur qui est resté trop longtemps sous l’eau. Mais, comme il était bien portant, que sa jeune vie était solidement plantée en lui, même en ces minutes de souffrances atroces, le sang circulait sous sa peau, colorait ses joues et ses yeux bleus conservaient leur éclat habituel.

Tout se passa beaucoup mieux que Serge ne le supposait ; ce fut son père, le colonel en retraite Nicolas Serguiévitch Golovine, qui pénétra le premier dans la pièce où les visiteurs étaient reçus. Toute sa personne était blanche de la même blancheur : visage, cheveux, barbe, mains. Son vieux vêtement bien brossé sentait la benzine ; ses épaulettes paraissaient neuves. Il entra d’un pas ferme, mesuré, en se redressant, et dit à haute voix, sa main sèche tendue :

— Bonjour, Serge !

Derrière lui, la mère venait à petits pas,