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Un soir, alors qu’on allumait les lampes, le Tzigane se mit à quatre pattes au milieu de sa cellule et poussa un hurlement de loup. Très sérieux, comme s’il accomplissait un acte indispensable et important, il aspirait l’air à pleins poumons, puis le chassait lentement en un hurlement prolongé. Les paupières froncées, il s’écoutait avec attention. Le tremblement même de sa voix semblait un peu affecté ; il ne criait pas d’une manière indistincte : il faisait résonner chaque note à part dans ce cri de fauve, qui trahissait une souffrance et une terreur indicibles.

Soudain, il s’interrompit, resta silencieux pendant quelques minutes, sans se redresser. Il se mit à chuchoter, comme s’il parlait au sol :

— Chers amis, bons amis… Chers amis… bons amis… ayez pitié… Amis ! Mes amis !

Il disait un mot et l’écoutait.

Il sauta sur ses pieds et, pendant une heure entière, il proféra sans s’arrêter les pires imprécations.

— Allez au diable, canailles ! hurlait-il,