Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

teint déjà foncé de Michka devenait plus sombre encore et prenait la nuance bleu-noire de la fonte. Un tic bizarre s’empara alors de lui ; comme s’il avait mangé un plat beaucoup trop sucré, il se léchait constamment les lèvres ; puis, avec un sifflement, les dents serrées, il crachait à terre. Il n’achevait plus les mots : ses pensées couraient si vite que la langue ne parvenait plus à les formuler.

Le surveillant en chef entra un jour dans sa cellule, en compagnie du soldat de garde. Il loucha sur le sol constellé de crachats et dit d’un air rude :

— Voyez-vous, comme il a sali sa cellule !

Le Tzigane répliqua vivement :

— Et toi, gros museau, tu as sali toute la terre et je ne t’ai rien dit. Pourquoi m’ennuies-tu ?

Avec la même rudesse, le surveillant lui proposa de faire l’office du bourreau. Le Tzigane découvrit les dents et se mit à rire :

— On n’en trouve point ! Ce n’est pas mal ! Allez donc pendre les gens ! Ah ! Ah ! Il y a