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avait de tout dans ce bruit perçant, quasi humain, quasi animal : l’angoisse mortelle de celui qu’on tue, la joie sauvage de l’assassin ; une menace, un appel, la solitude tragique, l’obscurité d’une nuit d’automne pluvieuse.

Le président agita la main ; le Tzigane s’arrêta docilement. Pareil à un artiste qui vient de jouer un air difficile au succès assuré, il s’assit, essuya ses doigts mouillés à sa capote de prisonnier et regarda les assistants d’un air satisfait.

— Quel brigand ! s’exclama l’un des juges, en se frottant l’oreille.

Mais son voisin, qui avait des yeux de Tartare, pareils à ceux du Tzigane, regarda d’un air rêveur, au loin, sourit et répliqua :

— C’est effectivement intéressant !

Sans nul remords de conscience, les juges condamnèrent le Tzigane à mort.

— C’est juste ! dit le Tzigane lorsque la sentence fut prononcée.

Et se tournant vers un soldat de l’escorte, il ajouta par bravade :