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qui le plongeait dans un état d’étonnement sauvage. Ianson ne pensait à rien ; il ne comptait même pas les heures ; il était simplement en proie à une terreur muette devant cette contradiction, qui affolait son cerveau : aujourd’hui la vie, demain la mort. Il ne mangeait plus rien, il avait complètement cessé de dormir ; les jambes croisées sous lui, craintif, il restait assis toute la nuit sur un tabouret ou bien il se promenait à pas furtifs dans sa cellule.

Les geôliers cessèrent de faire attention à lui.

— Il est devenu sourd ; désormais il ne sentira plus rien jusqu’au moment de mourir, expliqua le vieux geôlier, en l’examinant de son regard expérimenté.

— Ivan, tu entends ? Hé ! Ivan !

— Il ne faut pas me pendre ! répondit Ianson d’une voix blanche ; sa mâchoire inférieure pendait.

— Si tu n’avais pas tué, on ne te pendrait pas, fit d’un ton réprobateur le geôlier en chef, un homme encore jeune, important et décoré.