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— Ce sera bientôt. Dans une semaine, je pense.

Ianson palit ; le regard de ses yeux vitreux devint si trouble qu’il semblait s’être complètement endormi. Il demanda :

— Tu plaisantes ?

— Naguère, tu ne pouvais pas attendre le moment ; aujourd’hui, tu dis que je plaisante. On ne tolère pas les plaisanteries, chez nous. C’est vous qui aimez les plaisanteries, nous autres, nous ne les supportons pas, répliqua le gardien avec dignité, en s’éloignant.

Lorsque le soir arriva, Ianson avait maigri. Sa peau plissée, redevenue lisse pendant quelques jours, s’était contractée en mille petites rides. Le regard s’était éteint ; les mouvements se faisaient avec lenteur, comme si chaque hochement de tête, chaque geste du bras, chaque pas eût été une entreprise difficile, qu’il fallait d’abord étudier à fond. La nuit, Ianson se coucha sur son lit de camp, mais ses yeux ne se fermèrent pas ; jusqu’au matin, ils restèrent ouverts.