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lâchant les rênes, chantant, criant, en estonien, des phrases incompréhensibles. Parfois silencieux, les dents serrées, envahi par un tourbillon de fureur, de souffrance et d’enthousiasme indicibles, il allait dans sa course folle comme un aveugle : sans prendre garde aux passants, il s’élançait à une allure insensée qu’il ne ralentissait ni aux tournants, ni aux descentes.

Son maître avait songé à le renvoyer ; mais Ianson ne demandait pas de gros gages et ses camarades ne valaient pas mieux que lui.

Un jour, il reçut une lettre écrite en estonien. Comme il ne savait ni lire, ni écrire, et que personne dans Son entourage ne connaissait cette langue, Ianson jeta la lettre au fumier avec une indifférence sauvage. Il essaya aussi de faire la cour à la fille de ferme, ayant probablement besoin d’une femme ; elle le repoussa, car il était petit et chétif, couvert de taches de rousseur, hideux, et il cessa aussitôt de s’occuper d’elle.

Mais s’il parlait peu, Ianson écoutait sans