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LA VIE D’UN POPE

cheveux dressés, sa tête lui semble devenue énorme. Arrière !

Voici de nouveau le cadavre immobile… Non ! c’est encore l’idiot ! En une sorte de jonglerie prodigieuse, la masse putréfiée semble se dédoubler et souffler l’épouvante. Fou de colère, le pope glapit :

— Tu veux m’effrayer ! Alors, tiens !

Mais le reste meurt sur ses lèvres. La face de l’idiot s’embrase tout à coup d’une lumière aveuglante et se fend jusqu’aux oreilles, d’un rire prodigieux ; il éclate, ce rire, il roule dans l’église comme un fracas de tonnerre, il broie les voûtes de granit, fait voler les pierres, enveloppe le prêtre d’une sorte de mugissement continu…

Le père Vassili rouvre ses yeux aveuglés et lève la tête : tout tombe ; lentement et pesamment, les murailles s’inclinent et se rapprochent, les voûtes s’effondrent, la haute coupole s’affaisse sans bruit, les dalles se creusent et s’agitent, la terre tressaille jusque dans ses fondements, le monde s’écroule, tout tombe !…