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LA VIE D’UN POPE

Et, le visage empreint d’une soumission hautaine, il attend. Dans l’obscurité, les cierges font des trous immobiles, et l’orage qui s’éloigne chante encore dans le lointain.

— Alors, Tu ne veux pas ? demande-t-il toujours, humblement, à voix basse.

Et tout à coup, les yeux hors de la tête, dans un transport de rage qui donne à ses traits l’expression de terrifiante sincérité spéciale aux fous et aux gens endormis, il éclate en invectives passionnées. Et l’explosion de ses cris couvre la menace du silence, étouffe les derniers soubresauts d’une âme humaine à l’agonie…

— Tu le dois ! rends-lui la vie ! Prends-la aux autres, mais rends-lui la vie ! je T’en supplie !

Il se tourne vers le cadavre morne et décomposé ; avec colère, avec mépris, il l’interpelle :

— Et toi, prie-Le donc, prie-Le !

Et, dans son délire sacrilège, il s’écrie encore :

— Ton paradis, il n’en a pas besoin ! Voici