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LA VIE D’UN POPE

ses doigts avait blanchi ; le cou tendu en avant, tout le buste penché par-dessus la grille, il se concentrait tout entier dans le regard monstrueux qu’il projetait vers la veuve et ses enfants ; il y avait, dans ce regard fulgurant, une joie insolente et hardie, qui semblait se repaître de leur immense douleur…

— « … C’est l’heure de la séparation, mes frères, l’heure des pleurs et des sanglots !… Ainsi donc, venez, et donnez le dernier baiser à celui qui fut parmi nous, à celui qui va descendre dans la tombe, sous la terre et sous les pierres, à celui qui s’en va vers les ténèbres, habiter parmi les morts, loin de ses parents, loin de ses amis !… »

Alors, près de l’ambon, une voix s’éleva plaintive :

— Arrête, insensé ! ne vois-tu donc pas qu’il n’est point de mort ici ?…

Et l’acte s’accomplit, l’acte solennel et dément que tous attendaient avec tant d’effroi.

Le père Vassili rejeta derrière lui la porte