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LA VIE D’UN POPE

sous forme d’un trouble confus, d’une sorte de nausée subtile et passagère, et s’arrêta.

— Crois-tu que cela va s’ébouler ? demanda-t-il en se détournant.

— Et comment le saurais-je ? grogna le chantre d’un air mécontent.

Il y avait dans cette ouverture obscure et ovale, semblable à une bouche entr’ouverte, quelque chose de perfide et d’attentif, et Sémione hésitait encore ; mais en haut, un jeune chêne se penchait sur la fosse, et son feuillage frémissant et finement ciselé se dessinait si hardiment sur le ciel, et il venait de là des bouffées d’air si vif et si parfumé, qu’on en ressentait une irrésistible envie de tenter des choses joyeuses et hardies.

Donc, Sémione cracha dans ses mains et empoigna la bêche ; mais, au second coup qu’il donna, il y eut un faible craquement, et toute la muraille de sable, s’éboulant silencieusement, ensevelit l’ouvrier ; le jeune chêne, retenu seulement par ses racines, agita faiblement ses branches ; une motte de terre desséchée vint rouler jus-