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LA VIE D’UN POPE

fête, à répandre le sable avec profusion sur les pavés de sa cour et dans la rue, devant sa maison ; Sémione lui en avait déjà ramené une pleine charrette depuis le matin, et, pour parfaire un second chargement, il enfournait avec ardeur les pelletées de sable fin et doré.

Tout le rendait joyeux, ce jour-là : le murmure des abeilles, les senteurs des plantes, le travail facile ; il jetait des coups d’œil narquois sur le vieux chantre morose qui raclait paresseusement la terre du bout de son râteau édenté, et le tournait en dérision.

— Hé, Nikone Ivanitch, frère, à quoi nous sert notre belle jeunesse, à nous deux ?

— C’est bon, on verra cela plus tard… riposta le chantre avec une vague menace dans sa voix indolente, et la pipe qu’il mâchonnait vint heurter son menton hérissé de poils raides comme des soies.

— Prends garde, tu vas laisser tomber ton biberon, plaisanta encore Sémione.

Nikone ne répondit rien, et Sémione,