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LA VIE D’UN POPE

ses yeux brillants, le bruit, tout cela l’égaye, il se donne des claques retentissantes sur ses oreilles démesurées, il mugit de plaisir, et une salive épaisse coule sur son menton en ruisselets immondes.

— Papa !… papa !…

— Écoute, écoute !… « Il me faut accomplir les ordres de Celui qui m’envoie, tandis qu’il fait jour, car la nuit viendra, la nuit où personne ne peut rien accomplir… tandis que je suis sur la terre : car je suis la lumière du monde ! Dans les siècles des siècles ! Dans les siècles des siècles ! crie le pope d’une voix vibrante et solennelle.

« …Je suis la lumière du monde ! et, ayant dit cela, il cracha à terre ; de son crachat, il fit une boue dont il oignit les paupières de l’aveugle et il lui dit : « Va, lave-toi dans le bain de Siloam (ce qui veut dire envoyé). » L’aveugle alla et se lava, et quand il revint, il voyait ! »

— Il voyait, Vassia ! il voyait ! cria le pope comme une menace.

Et se levant d’un bond il se mit à marcher