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LA VIE D’UN POPE

voici que de nouveau, les pages bruissent doucement, et que tout s’efface : les murs dénudés, le masque repoussant de l’idiot, les sons monotones et sourds du clocher ; de nouveau son visage brûle d’une extase insensée : Joie ! joie ! joie !

— Papa ! crie encore l’idiot.

Sa tête se tourne d’une pièce, et ses pieds mignons et sans vie, dont les doigts recroquevillés et la plante délicate n’ont jamais reposé à terre, s’agitent faiblement comme pour courir.

— Allons ! tais-toi, et écoute ce que je vais te lire !

Le père Vassili reprend la page commencée et se met à lire d’une voix grave et sévère, comme on lit à l’église.

— … « Et, comme il passait, il vit un homme aveugle de naissance…

Le pope lève la main et regarde son fils en pâlissant d’émotion.

— Tu comprends ? aveugle de naissance ! jamais il n’a vu le soleil, ni ses parents, ni les visages de ses amis, il est venu au monde,