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LA VIE D’UN POPE

éclairé de la chambre un regard immobile, sous les petites paupières étroites et bestiales.

Le bois sec craque soudain comme un coup de fusil ; le père Vassili tressaille et lève les yeux ; pendant un instant, il entrevoit les murailles nues et les fenêtres dépolies par le givre, et l’idiot figé sur place avec ses ciseaux dans les doigts. Tout cela ne fait que passer comme un éclair, et de nouveau se déroule devant ses yeux baissés le monde inaccessible et merveilleux, le monde de l’amour, de la tendre pitié, du sublime sacrifice…

— Papa, balbutie l’idiot.

Il ne sait encore ce mot que depuis peu de temps, et jette à son père des regards en dessous, irrités et inquiets. Mais le pope ne l’écoute pas, et l’inspiration illumine son visage ; il se perd dans les rêveries d’une lumineuse extase ; il croit, comme croyaient les martyrs qui s’en allaient au bûcher ainsi qu’à un lit de plaisir, et mouraient en glorifiant le Seigneur !