Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
239
LA VIE D’UN POPE

à rire ; mais bientôt il sentit le froid, la solitude et l’ennui de ce gîte désolé ; alors, il se mit en fureur, cria, se battit les joues à coups de poing ; il essaya de ramper sur le plancher, mais il tombait à chaque pas et se cognait maladroitement.

Parfois, il restait figé dans une sorte d’hébétement profond : la tête appuyée entre ses longs doigts minces, le bout pointu de sa langue effleurant les lèvres, il fixait devant lui un regard immobile et vide, sous ses petites paupières étroites de bête. Et alors, on avait l’impression qu’il n’était pas idiot du tout, qu’il avait des pensées à lui, très différentes de celles des autres hommes, et qu’il savait aussi des choses simples et mystérieuses que personne ne sait ; on ne pouvait s’empêcher de penser, en voyant son nez aplati aux narines retroussées, et sa nuque courte, raccordée tout d’une pièce avec le dos, comme chez les animaux, que, s’il lui poussait seulement des jambes fortes et rapides, il se sauverait dans les bois, pour y vivre d’une vie solitaire, pleine