Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
235
LA VIE D’UN POPE

le pas et s’arrêtèrent, stupéfaits, figés sur place, comme on s’arrête devant le feu, devant les eaux mugissantes, ou encore devant le regard tranquille et énigmatique d’un fou.

— Qu’avez-vous donc à me regarder ainsi ? demanda le père Vassili avec étonnement.

Mais ils continuaient à le regarder sans rien dire ; l’homme qui se tenait devant eux était un inconnu, dont l’étrange allure les tenait à distance ; il était sombre et incompréhensible comme l’ombre d’un autre monde ; sur son visage semé de rides claires, un sourire étincelait, comme lorsque le soleil vient jouer sur l’eau morne et profonde. Et dans ses grandes mains osseuses, il pressait tendrement un petit poussin jaune.

— Pourquoi me regarder ainsi ? reprit le père Vassili, en souriant ; suis-je donc un prodige ?