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LA VIE D’UN POPE

désert. Le poussin, réchauffé par la tiédeur des mains, roula ses yeux un instant et s’endormit ; et le pope sourit encore.

— Voilà ! je n’aurais qu’à serrer un peu les mains et il mourrait. Et cependant il repose dans mes mains, sur ma poitrine, et dort en toute confiance. Et moi, ne suis-je pas dans la main de Dieu ?… et comment oserais-je ne pas croire à Sa miséricorde, quand celui-ci croit à ma bonté et à ma miséricorde humaines ?

Il rit d’un rire silencieux, qui découvrit ses dents noires et gâtées ; sur son visage âpre et hautain, le sourire finissait en des milliers de petites rides joyeuses, comme lorsqu’un rayon de soleil vient jouer sur l’eau sombre et profonde ; et, la tête baissée, il murmura humblement :

— Que Ta sainte volonté soit faite !

Des gens parurent dans le jardin : le diacre, sa femme, d’autres encore ; ils aperçurent le pope et se hâtèrent d’accourir avec des signes de tête amicaux ; mais, quand ils se furent approchés, ils ralentirent