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LA VIE D’UN POPE

brève et si tardive que la popadia croyait qu’elle ne viendrait jamais.

Il se mit à genoux, et, la tête près du lit, dans la chambre imprégnée d’une odeur de chair brûlée, il versa les larmes abondantes et silencieuses de son immense pitié. Il pleura sur elle, lorsque, dans sa jeunesse et sa beauté confiantes, elle attendait les caresses et les joies ; lorsque, mère douloureuse, elle pleurait la mort de son premier-né ; lorsque, éperdue et démente, elle fuyait devant les fantômes ; lorsqu’elle l’attendait près de la porte, humble et lumineuse dans le crépuscule d’été.

Et cette chose, dont il percevait toujours l’atroce parfum, c’était son corps, son tendre corps, qu’il n’avait pas assez chéri. Ah ! comme elle avait dû crier, et se débattre, et l’appeler à l’aide !

Les yeux brouillés de larmes, le père Vassili jeta autour de lui un regard égaré et se leva. Un grand silence régnait, ce silence profond qui vient avec la mort… Il regarda sa femme : le corps était immobile, il avait