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LA VIE D’UN POPE

saient, les brebis regardaient sans bouger, de leurs yeux vitreux et saillants, venaient butter dans les jambes des passants, bondissaient tout à coup de côté, prises d’une terreur soudaine, et le piétinement de leurs sabots soulevait des tourbillons de poussière.

Les femmes s’efforçaient de les rassembler, et tout le village retentissait de leur appel monotone :

— Kit… Kit… Kit… !

Ces visages sombres et comme bronzés, cette clameur singulière et prolongée, ces bêtes et ces gens confondus dans un même sentiment élémentaire d’épouvante, tout cela composait un spectacle d’une sauvagerie obscure et primitive.

Il n’y avait pas de vent ce jour-là, de sorte que la maison du pope fut seule à brûler. Le feu avait pris, croyait-on, dans la chambre de la popadia ; elle était ivre et avait dû jeter par imprudence quelque cigarette à demi-consumée. Par malheur, tout le monde était aux champs, de sorte que l’on ne put