Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
LA VIE D’UN POPE

cette fumée, une large flamme terne et sanglante se tordait lourdement.

En un clin d’œil, le foin fut jeté à bas de la télègue et le cheval au galop les amena au village ; mais déjà tout rentrait dans l’ombre et l’incendie finissait ; les poutres carbonisées avaient flambé comme des allumettes ; le poêle de faïence, seul demeuré intact, blanchissait confusément dans la nuit ; une fumée semblable à de la vapeur achevait de refroidir au ras de terre.

Elle enveloppait les jambes des moujiks accourus au secours, et, sur le fond incertain de l’incendie mourant, leurs silhouettes plates et confuses semblaient suspendues en l’air.

La rue était pleine de monde : les moujiks pataugeaient dans la boue fraîche formée par l’eau répandue, parlaient à voix haute et animée, et se regardaient l’un l’autre avec attention, comme s’ils ne reconnaissaient pas tout de suite leurs voix et leurs visages ; le bétail rentré du pâturage errait lamentablement ; les vaches mugis-