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LA VIE D’UN POPE

que seule une âme à bout de forces était capable de discerner.

Ils se parlaient peu, et leurs rares paroles étaient simples et banales ; séparés à tout moment par les labeurs journaliers, ils n’étaient presque jamais ensemble ; mais leurs cœurs douloureux se cherchaient et se trouvaient sans cesse, et personne au monde ne pouvait savoir de quelle tendresse désolée et sans espoir ils se chérissaient.

Depuis longtemps déjà, depuis la naissance de l’idiot, ils avaient cessé d’être époux : c’étaient de ces amants tendres et malheureux qui n’ont même pas l’espoir du bonheur ; qui n’osent plus, dans leurs rêveries les plus intimes, lui donner une forme concrète.

La popadia avait retrouvé sa pudeur d’autrefois, et son désir de plaire ; même, elle parait si bien son visage et ses cheveux qu’ils avaient repris une fraîcheur nouvelle.

Quand survenait l’accès d’ivresse, elle s’enfermait dans sa chambre obscure comme les chiens qui sentent venir la rage, et y