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LA VIE D’UN POPE

« Sûr qu’il mange beaucoup de sucre. »

Le prêtre reprit :

— Qu’est-ce que tu espères ?

— Ce que j’espère ?… Mais que puis-je donc avoir à espérer ?

L’église devenait sombre, et le froid se glissait sous la chemise du moujik.

— Alors rien à faire ! fit le pope, et ses paroles tombèrent sourdes et lointaines comme les premières pelletées de terre tombent sur le cercueil.

— Rien à faire, rien à faire !… répéta lentement Mossiaguine en écoutant ses propres paroles.

Il se représentait sa vie, les visages faméliques de ses enfants, les reproches éternels, son labeur de forçat, et ce poids obscur et éternel sur le cœur, qui donne envie de se battre ou de boire de l’eau-de-vie… et cela durerait ainsi, longtemps, toujours, jusqu’à la mort.

Mossiaguine fixa sur le pope un œil humide et voilé sous les cils blancs qui battirent rapidement ; et soudain, les deux