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LA VIE D’UN POPE

d’une voix toute changée et joyeuse, en essuyant la sueur qui coulait de son front.

Le père Vassili tourna lentement vers lui sa figure osseuse.

— Et qui donc te vient en aide ?

— Qui me vient en aide ? répéta Mossiaguine, mais personne… C’est qu’on n’est pas riche par ici, tu le sais bien. Tout de même, Ivan Porphyritch m’a secouru. — Et le moujik cligna de l’œil sournoisement. — Il m’a donné « trois pouds »[1] de farine, pour quatre à lui rendre à l’automne !

— Et Dieu ?

Sémione soupira et son visage se rembrunit :

— Dieu ? Je ne mérite pas qu’il m’aide.

Les questions inutiles du pope l’ennuyaient ; il jetait par-dessus son épaule des regards furtifs sur l’église déjà vide, et comptait avec attention les poils clairsemés de la barbe du pope ; même, il regarda ses dents noires et gâtées, et pensa avec envie :

  1. Le poud vaut quarante livres.