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LA VIE D’UN POPE

Il semblait que les larmes ne dussent jamais tarir dans les yeux de cet homme, que les cris de colère et de révolte ne dussent jamais mourir sur ses lèvres ; et, tout au contraire, il ne cessait de rire et de plaisanter ; il avait une barbe absurdement comique, où des milliers de petits poils d’un rouge feu s’enlaçaient dans une sorte de sautillement joyeux. À la danse, il s’en allait côte à côte avec les jeunes filles et les enfants, et chantait des complaintes mélancoliques d’une voix aiguë et vibrante ; ceux qui l’écoutaient en avaient les larmes aux yeux, mais lui gardait toujours son même sourire ironique et tranquille…

Ses péchés étaient insignifiants et de pure forme : un jour, l’arpenteur qu’il voiturait, le jour de la Saint-Pierre, lui avait donné un gâteau gras, et Mossiaguine l’avait mangé, bien qu’on fût en carême ; une autre fois, il avait fumé une cigarette avant la communion ; et ces péchés prenaient, dans sa confession, l’importance d’un assassinat.

— J’ai fini, s’écria enfin Mossiaguine