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LA VIE D’UN POPE

grises, mornes et brumeuses comme l’hiver finissant.

Longtemps elles mâchonnèrent, de leurs bouches édentées, les mêmes plaintes obscures, décousues, sans commencement ni fin, et les mots, comme les larmes taries par un trop long usage, ne voulaient plus venir.

Déjà elles avaient reçu l’absolution ; mais elles ne comprenaient toujours pas, et s’obstinaient à réclamer quelque chose ; et leur plainte était obscure et ténébreuse, comme les fragments d’un songe pénible.

Après elles, on vint en foule ; et beaucoup de larmes jeunes et brûlantes furent versées, beaucoup de paroles acérées et navrantes entrèrent dans le cœur du père Vassili.

Quand le paysan Sémione Mossiaguine eut salué trois fois jusqu’à terre et se fut avancé à pas comptés vers le pope, celui-ci fixa sur le moujik un regard pénétrant.

— Voici bien longtemps que j’attends ta venue, dit le père Vassili. Pourquoi es-tu venu, Mossiaguine ?