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LA VIE D’UN POPE

faute, s’il est né ainsi ? Allons, parle donc !… À quoi penses-tu ?… À quoi donc es-tu toujours à penser, à penser, à penser ?…

Mais le père Vassili persiste à se taire, et scrute d’un regard attentif, irritant, le visage pâle et épuisé de la popadia. Et, quand meurent les derniers sons de ses paroles incohérentes, elle sent de nouveau les anneaux d’airain de ce lugubre silence lui étreindre la tête et la poitrine, et en faire jaillir, irrésistiblement, des paroles pressées, inattendues.

— Mais moi, je sais, je sais, pope !

— Que sais-tu ?

— Je sais à quoi tu penses… Tu ne… Et elle s’écarte soudain du prêtre avec effroi. Tu ne crois pas en Dieu !… Voilà quoi !

Et, tout aussitôt, elle comprend la gravité de ses paroles ; un sourire pitoyable, implorant le pardon, effleure ses lèvres gonflées, brûlées par l’eau-de-vie et rouges comme du sang.

Mais le pope, pâle d’émotion, la reprend avec une âpre insistance :