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LA VIE D’UN POPE

mais la surexcitation de l’alcool restait impuissante à l’entraîner hors de ce cercle d’airain, où trônait implacable l’image de l’enfant stupide.

Comme jadis, elle s’efforçait de puiser dans l’eau-de-vie les souvenirs amers et brûlants d’autrefois ; mais les souvenirs même la fuyaient, et le néant mortel ne lui rendait plus un son, plus une image…

De toutes les forces de son cerveau surchauffé, elle évoquait le doux visage du garçonnet mort, chantonnait les petites chansons qu’il aimait à fredonner, souriait de son sourire, simulait la façon dont l’eau taciturne l’avait étreint et bâillonné… Et déjà le voici qui s’approche ; voici que la grande douleur tant désirée va s’allumer dans son cœur… ; quand, soudain, l’insaisissable image s’évanouit à ses regards…, tout s’effondre, s’efface…, et, du fond des ténèbres mortes et froides, le masque de l’idiot surgit, épouvantable.

Alors, il semblait à la popadia qu’elle venait d’enterrer Vassia pour la seconde fois, et