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LA VIE D’UN POPE

Un jour, il mordit Nastia ; elle le jeta sur le lit, et le battit longuement, cruellement, comme s’il n’eût pas été un enfant, mais un morceau de viande corrompue. Dès lors il prit le goût de mordre et de montrer les dents d’un air menaçant, à la façon des chiens.

Il était par ailleurs difficile à nourrir, car, dans son impatiente avidité, il exagérait la gaucherie de ses mouvements, et s’étranglait ou renversait son écuelle. Son aspect inspirait l’aversion, presque l’effroi : sur des épaules petites, encore tout à fait infantiles, se mouvait une grosse tête, et le visage énorme, immobile et large semblait celui d’un adulte. Il y avait quelque chose d’impressionnant dans ce désaccord violent entre la tête et le corps : l’on eût dit que l’enfant avait revêtu, on ne sait trop pourquoi, un masque monstrueux.

Épuisée de souffrances, la popadia se remit à boire. Elle buvait démesurément, au point de se rendre malade et de perdre la raison ;