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LA VIE D’UN POPE

Quand la nuit fut venue, la popadia était ivre ; et alors, commença pour le pope la plus intolérable, la plus cruelle, la plus lamentable des épreuves, celle dont il ne se souvint jamais sans un sursaut de honte et de chasteté outragée.

Dans l’obscurité maladive des persiennes closes, dans les rêvasseries monstrueuses engendrées par l’alcool et les phrases traînantes indéfiniment ressassées, la popadia conçut un espoir insensé : mettre au monde un second fils en qui revivrait l’enfant mort prématurément. Oui, l’enfant allait renaître avec son doux sourire, avec ses yeux resplendissants d’une calme lumière, avec son parler tranquille et déjà raisonnable ; il allait renaître dans la beauté de son enfance innocente, tel enfin qu’il était en cette terrible journée de juillet, où le soleil ardent brûlait dans le ciel, où la rivière aveuglante et perfide étincelait au loin !…

Et, tout enflammée de sa folle espérance, belle, jusqu’à l’indécence, du feu qui l’embrasait, la popadia voulut les caresses de son