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LA VIE D’UN POPE

deux toits si voisins et si dissemblables avait quelque chose de navrant qui lui serrait le cœur.

Un jour, lors de la fête de l’Épiphanie, la popadia revint de l’église toute en larmes et se plaignit d’avoir été insultée ; elle passait devant Ivan Porphyritch pour aller à son banc ; et lui, avait dit assez haut pour être entendu de tout le monde :

— On ne devrait pas laisser cette ivrognesse entrer à l’église ; c’est une honte !…

La popadia pleurait en racontant l’injure ; et, dans cet instant, les progrès de sa vieillesse et de son affaissement pendant les quatre années qui avaient suivi la mort de Vassia apparurent au pope avec une cruelle et indiscutable évidence.

Elle était jeune encore, mais déjà des fils d’argent sillonnaient ses cheveux ; ses dents avaient noirci et ses yeux s’étaient gonflés ; elle fumait et c’était pitié de la voir avec sa cigarette qu’elle tenait gauchement, à la manière des femmes, entre deux doigts dressés. Tout en fumant, elle pleurait, et la ciga-