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LA VIE D’UN POPE

et cruelle s’incarnait dans cette barbe noire énorme, ces mains poilues, cette démarche imperturbable, et qu’il lui fallait se ramasser, se faire tout petit, se bien cacher derrière les murs, sous peine d’être écrasé comme une fourmi par ce grand corps menaçant.

Peu à peu, tout ce qui appartenait à Ivan Porphyritch, tout ce qui le concernait, avait pris pour lui un tel intérêt que parfois, pendant des journées entières, sa pensée s’absorbait sur le marguillier, sa femme, ses enfants, sa richesse.

Même, quand il travaillait aux champs parmi les paysans, paysan lui-même avec ses grosses bottes graissées et sa chemise de chanvre, il lui arrivait fréquemment de se retourner vers le village ; et c’était toujours, près de l’église, la maison à deux étages du marguillier, avec son toit recouvert de tuiles rouges, qu’il apercevait la première. Mais sa propre maisonnette, avec son humble toiture de bois, il la découvrait à grand’peine, au milieu de la verdure grisâtre des saules échevelés par le vent ; et le seul aspect de ces