Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
LA VIE D’UN POPE

portance, des joues fermes et rebondies, une grande barbe noire ; et la toison noire aussi qui lui recouvrait tout le corps, surtout la poitrine et les jambes, lui semblait être l’indice d’un bonheur particulier ; il était d’ailleurs hautain, présomptueux, toujours gai, et persuadé que Dieu l’avait élu entre les autres hommes. Un terrible accident de chemin de fer, où périrent de nombreuses victimes, ne lui coûta que sa casquette qui fut souillée de terre. « Et encore, elle était vieille ! » concluait-il d’un air suffisant, car cette circonstance lui semblait être un nouveau mérite à son actif.

Tout cela faisait du marguillier un être terrible et extraordinaire aux yeux timides du pope. S’ils venaient à se croiser, il ôtait le premier son chapeau à larges bords avec une hâte peu convenable ; il sentait même en s’éloignant, ses pas se presser, comme ceux d’un homme effrayé et honteux de son effroi, et ses jambes flageolantes s’embarrasser dans les plis de sa soutane. Il lui semblait que toute sa destinée énigmatique