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LA VIE D’UN POPE

Longtemps, il marcha au milieu des hautes moissons de seigle, les yeux fixés sur la poussière blanche et moelleuse du chemin, où se lisait encore l’empreinte arrondie des pieds nus. Au détour de la route, il s’arrêta. Devant lui, autour de lui, jusqu’à l’horizon lointain, les épis lourds ondoyaient sur les tiges frêles ; là-haut, dans le ciel bleu tout pâle de chaleur, resplendissait un soleil implacable, et c’était tout. Pas un arbre, pas une maison, pas un homme !

Il était seul, perdu dans l’immensité lourde des épis, devant le visage lointain du ciel torride.

Le père Vassili leva les yeux : ils étaient petits et enfoncés, noirs comme des charbons, et brûlaient d’un feu sombre, reflet de l’embrasement du ciel ; il croisa les bras sur sa poitrine et voulut parler. Les mâchoires de fer, serrées comme un étau, frémirent, ses dents grincèrent, et, d’un effort semblable à un bâillement convulsif, le pope ouvrit la bouche et prononça ces paroles à voix haute et distincte :