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LA VIE D’UN POPE

paroles chantantes et ses phrases de livre, les yeux, le sourire et les raisonnements vieillots de l’enfant revivaient un instant.

Quand, pour la première fois, le père Vassili s’aperçut que sa femme s’enivrait, il comprit, à son air de révolte exaspérée et d’amère gaîté, que c’était pour la vie ; il se mit à frotter l’une contre l’autre ses mains sèches et brûlantes et partit subitement d’un rire silencieux et stupide qui ne s’arrêtait plus ; enfin, il se raidit, et se détournant de sa femme qui pleurait douloureusement, il réussit à contenir ce rire déplacé ; mais, par instants, il pouffait encore sous cape, les mains devant la bouche comme un écolier en faute.

Tout à coup, il redevint sérieux et ses mâchoires se refermèrent comme un étau de fer ; il ne sut pas trouver un mot de tendresse ou de consolation pour la popadia qui divaguait ; seulement, quand elle se fut endormie, il lui signa le front par trois fois, s’arrêta dans le jardin auprès de Nastia pour lui caresser froidement les cheveux, et s’en alla aux champs.