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LA VIE D’UN POPE

popadia répétait encore, inlassable, la prière des mères malheureuses :

— Seigneur, prends ma vie, mais rends-moi mon enfant !…

Dès lors, toute la maisonnée du père Vassili, se mit à craindre les jours lumineux de l’été, où le soleil brûle d’un feu trop vif, où la rivière décevante, incendiée par ses rayons, brille d’un intolérable éclat…

Ces jours-là, quand tout s’épanouissait alentour, les hommes, les champs, les bêtes, des regards d’angoisse se posaient sur la popadia, et tous, à dessein, s’efforçaient de parler fort et de rire bruyamment. Mais elle, indolente et morne, fixait sur eux un regard si étrange et si obstiné, qu’ils détournaient les yeux ; elle s’en allait errer par la maison à la recherche d’objets familiers : des clefs, un verre, une cuiller. Tous ces objets, on les mettait à sa portée ; mais elle continuait à chercher, toujours plus anxieuse et plus opiniâtre, à mesure que le soleil luisait plus gaiement et plus haut dans le ciel.