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LA VIE D’UN POPE

La jeune popadia, accourue sur la berge avec la foule, assista au simple et déchirant spectacle de la mort : jamais elle n’oublia les battements de son cœur, si sourds et si lents, que chacun d’eux semblait devoir être le dernier ; et la transparence insolite de l’air, où passaient et repassaient les figures familières, mais devenues étrangères en cet instant ; et la confusion singulière des discours, où chaque parole entendue, semble s’arrondir dans l’air, pour fondre et s’effacer ensuite, au milieu des paroles nouvelles.

Elle en conçut pour toute sa vie l’épouvante des jours clairs et ensoleillés ; ils faisaient revivre à ses yeux les larges carrures détachées en plein soleil, les pieds nus solidement campés dans les débris de légumes jonchant la berge, l’élan régulier de la barque blanche, où repose, tout au fond, le petit corps fluet et recroquevillé, si proche et déjà si lointain, étranger à jamais.

Et longtemps après, quand déjà l’herbe eut poussé sur la tombe du petit Vassia, la