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inconscient, les erreurs et les bévues risibles, les cruelles meurtrissures.

— Mes chers amis !

Werner se mit à sourire, et son attitude perdit sa force altière et imposante. Il redevint le prisonnier qui souffre dans sa cellule étroite, qui s’ennuie de voir constamment un œil curieux le fixer au travers de la porte. Il s’assit, sans que son corps prît la pose raide qui lui était coutumière, et il considéra les murs et les grillages avec un sourire faible et doux qu’il n’avait jamais eu. Et quelque chose se passa qui ne lui était encore jamais arrivé : il pleura.

— Mes chers camarades ! chuchota-t-il en versant des larmes amères. Mes chers camarades !

Quelle voie mystérieuse avait-il suivie, pour passer du sentiment de liberté illimitée et hautaine, à cette pitié passionnée et attendrie ? Il ne le savait pas. Avait-il vraiment pitié de ses camarades, ou bien ses pleurs cachaient-ils quelque chose de plus passionné, de plus grand encore ? Son cœur