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on lui fermerait la bouche avec un chiffon ; et s’il voulait marcher, on l’emmènerait et on le pendrait. S’il résistait, s’il se débattait, s’il se couchait à terre, on serait plus fort que lui, on le relèverait, on le ligoterait et on le porterait ainsi à la potence. Et son imagination donnait aux hommes, pareils à lui, chargés de cette exécution, l’aspect nouveau, extraordinaire et terrifiant d’automates sans pensée, que rien au monde ne pouvait arrêter, et qui prenaient, maîtrisaient, pendaient, tiraient un homme par les pieds, coupaient la corde, mettaient le corps dans un cercueil, l’emportaient et l’enterraient.

Dès le premier jour de l’emprisonnement, les gens et la vie s’étaient transformés pour lui en un monde indiciblement affreux, peuplé de poupées mécaniques. Presque fou de peur, il essayait de se représenter que les gens avaient une langue et parlaient, mais il n’y arrivait pas. Les bouches s’ouvraient, quelque chose résonnait, puis ils se séparaient, en remuant les jambes, et c’était fini.