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machine infernale, il s’était transformé lui-même en instrument de mort, il avait emprunté la raison cruelle de la dynamite et sa puissance fulgurante et homicide. Dans la rue, parmi les gens agités, préoccupés de leurs affaires, qui se garaient vivement des tramways et des fiacres, il lui semblait venir d’un autre monde inconnu, où l’on ignorait la mort et la peur.

Soudain, un changement brutal, affolant, s’était accompli. Vassili n’allait plus où il voulait, mais on le menait où on voulait. Ce n’était plus lui qui choisissait sa place ; on le plaçait dans une cage de pierre et on l’enfermait à clef, comme une chose. Il ne pouvait plus choisir à son gré la vie ou la mort ; on le menait certainement, infailliblement, à la mort. Lui qui avait été pendant un instant l’incarnation de la volonté, de la vie et de la force, il était devenu un lamentable échantillon d’impuissance ; il n’était plus qu’un animal promis à l’abattoir. Quelles que fussent les paroles qu’il prononçât, on ne l’écouterait plus ; s’il se mettait à crier,