Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

également surprenant. Alors, il se figea en une pose immobile, sans respirer, pendant des heures entières lui semblait-il, éteignant toute pensée, retenant son souffle, évitant tout mouvement ; car toute pensée était une folie, tout geste une aberration. Le temps disparut comme s’il se fût transformé en espace, en un espace transparent et sans air, en une immense place sur laquelle se trouvait tout, et la terre, et la vie et les hommes. Et on pouvait embrasser tout d’un seul coup d’œil, jusqu’à l’extrémité, jusqu’au gouffre inconnu, jusqu’à la mort. Ce n’était pas parce qu’il voyait la mort que Serge souffrait, mais parce qu’il voyait la vie et la mort en même temps. Une main sacrilège avait relevé le rideau qui, de toute éternité, cachait le mystère de la vie et le mystère de la mort ; ils avaient cessé d’être des mystères, mais ils n’étaient pas plus compréhensibles que la vérité écrite dans une langue étrangère.

— Et nous voilà revenus à Muller ! prononça-t-il soudain à haute voix, avec une profonde conviction.